Il m’arrive de m’absenter
pour retrouver le Deutsche Oper Berlin, avec lequel j’ai, depuis plusieurs
années, noué des relations solides, laissant définitivement mon cher opéra de
Lyon où j’ai fait mes premières armes, dans la fosse, sous les directions d’André
Cluytens, Richard Kraus, Horst Stein, sans oublier Edmond Carrière, chef
titulaire, qui a beaucoup appris à l’étudiant que j’étais. Cette fois, ce fut Intermezzo
(Richard Strauss), Madama Butterfly et Tosca (Giacomo Puccini). Je vais résumer
en écrivant : « Du sublime à la fosse septique. » Je retiendrai,
de mon séjour, les magnifiques sonorités de Strauss, son humour et son
imagination, subtilement traduites par un orchestre somptueux, un chef attentif,
des artistes accomplis et une mise en scène imaginative que Richard aurait sans
aucun doute pleinement savourée. Un sommet. Et le lendemain, sommet sur le
sommet. Yi-Chen Lin dirigeait « Madama Butterfly ». Avec peu de
gestes, une baguette précise et une main gauche caressante, elle a suivi son idée,
et l’a conduite sans faille du début à la fin, intégrant parfaitement les
artistes et les chœurs qui, d’un même élan, ont donné à l’œuvre une unité si
parfaite qu’il me semblait entendre le « Tristan » de Furtwängler.
Une jeune cheffe fabuleuse que je n’hésite pas à comparer à Mirga Gražinytė-Tyla, elle aussi jeune
cheffe – lituanienne - que j’ai vu à la tête du Philharmonique de Munich, diriger,
à Lucerne, la 2e de Gustav Mahler. Yi-Chen Lin a conduit
Butterfly au triomphe, d’autant que la mise en scène, déniaisée des japonaiseries,
était d’une grande beauté. Et puis vint le troisième soir. Grigolo, un farfelu
qui, comme Alagna, se prend pour un ténor, est venu sur scène pour hurler et
défigurer le rôle de Mario. Pitoyable, lui et les autres, tous, artistes et
orchestre (pourtant le même que les deux soirées précédentes), sous la
direction d’un pantin qui n’avait – semble-t-il - jamais entendu parler de
Puccini et de sa Tosca. Après le Te Deum, j’ai fui la salle sous l’œil étonné
du portier. Ainsi s’est terminée mes soirées berlinoises.
La prochaine saison, je tente Tristan et Macbeth et peut-être d’autres merveilles…
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